Pons-Brooks, une comète pleine de promesses dans le ciel de printemps

La comète 12P/Pons-Brooks est de celles que l’on a peu de chance de voir deux fois dans une vie, car elle suit une période de 71 ans. C’est justement au printemps 2024 qu’elle revient près de nous. Et elle semble plutôt en forme !
La comète Pons-Brooks pourrait nous réserver de belles surprises ce printemps. Sa période de 71 ans est voisine des 76 ans de la célèbre comète de Halley. L’autre point commun est son potentiel à produire de très belles apparitions. Ainsi, on sait qu’elle a été vue dès le XIVe siècle, car elle est citée dans les annales de la dynastie Ming, en Chine. Ce n’est qu’en 1812 qu’elle est officiellement identifiée par Jean-Louis Pons — un des plus grands découvreurs de comètes, car il en a trouvé trente-sept en 26 ans. De concierge à l’observatoire de Marseille, Pons s’est ainsi vu promu astronome adjoint, un an seulement après la découverte de 12P/Pons-Brooks. L’astre porte aussi le nom de William Robert Brooks, car le Britannique l’a redécouverte à son passage suivant en 1883.

La comète 12P/Pons-Brooks a beau être bien documentée en matière d’observation, son comportement est assez variable. Elle a été revue pour la première fois le 10 juin 2020 par le Lowell Discovery Telescope, alors qu’elle était à la magnitude 23 (c’est-à-dire 6 millions de fois moins lumineuse que la plus faible étoile visible à l’œil nu). Soudain, le 20 juillet 2023, son éclat a cru momentanément d’un facteur 100, la faisant passer de la magnitude 16 à 11 ! L’objet a alors pris une forme atypique de fer à cheval. Elle aurait perdu 10 millions de tonnes de matière à cette occasion.

Aux jumelles… et, pourquoi pas, à l’œil nu !

Rebelote le 5 octobre 2023 : un sursaut lui fait passer de la magnitude 15 à 11. Le mois suivant, deux sursauts ont été observés. Celui du 14 novembre lui a fait franchir la barre de la magnitude 10. Toutefois, son pic de luminosité est attendu lorsqu’elle sera au plus près du Soleil le 21 avril 2024. Elle aura alors en théorie une magnitude de 4,5. Si elle tient cette prévision, il faudra au moins des jumelles et une bonne carte du ciel pour en profiter.

En revanche, si elle connait un sursaut de luminosité dans cette période, on peut espérer la voir descendre dans une fourchette de magnitude entre 0 et 2. Et là, le spectacle deviendra accessible au grand public. À noter pour ceux qui partent voir l’éclipse du 8 avril 2024 au Mexique ou au Texas que 12P/Pons-Brooks sera alors à 25° du Soleil. Pensez-y pendant la totalité !

À surveiller dès le mois de mars

Depuis les latitudes boréales moyennes, il faudra suivre Pons-Brooks dans sa phase d’approche du Soleil. Au mois de mars et début avril, elle sera vers l’ouest en tout début de nuit. À noter qu’autour du 10 mars, elle passe sous la galaxie d’Andromède, à environ 10°. Le 22 mars, elle est à 3° de la galaxie du Triangle M 33. Il y a là un beau sujet photo avec des focales autour de 50 à 85 mm en intégrant l’horizon. Du début à la fin mars, la magnitude théorique passe de 7 à 5. Cela commence donc à devenir intéressant.

Début avril, la comète poursuit son spectacle dans le ciel du soir. Elle n’est qu’à 27° du Soleil, mais par chance à nos latitudes, elle est à la verticale de notre étoile quand celle-ci se couche. C’est une configuration idéale. Sa magnitude devrait être voisine alors de 5 ; c’est en principe une belle cible photographique, et elle se montre aux jumelles.

Une heure et demie après le coucher de Soleil, le ciel est noir et Pons-Brooks est encore à 13° de hauteur. À cette date, elle se situe relativement loin de la Terre, à 240 millions de kilomètres. On peut donc s’attendre à une queue de taille modeste malgré la luminosité de la comète ; comptez 2 à 4°. Sa distance à la Terre change peu au cours du mois, donc la longueur de la queue devrait peu évoluer.
Son passage près de Jupiter et de la Lune inspirera les photographes. © Ciel & espace Concernant son éclat, très incertain, le conditionnel est de mise. Mais depuis juillet 2023, 12P/Pons-Brooks se tient 1 à 4 magnitudes au-dessus de sa courbe prévisionnelle. Jusqu’au 21 avril, elle continue à se rapprocher du Soleil. Il est donc plausible qu’elle poursuive son activité très dynamique. Si l’éclat effectif revient sur la courbe de prévision ou en dessous, on aura affaire à une comète réservée aux astronomes amateurs qui savent la localiser et l’observer. Au contraire, avec 3 ou 4 magnitudes de plus que prévu, elle deviendra une comète grand public visible à l’œil nu.

Rendez-vous avec Jupiter

À mesure que l’on avance dans le mois d’avril, Pons-Brooks cède peu à peu du terrain au crépuscule et s’éloigne vers le sud. Mais dans le même temps, sa magnitude continue à progresser. Retenez la date du 10 avril : la comète est encore visible sous un ciel sombre, elle forme un joli trio avec Jupiter et un très fin croissant de Lune. C’est sans doute la meilleure occasion pour les photographes. Il y a de belles compositions à prévoir avec des focales de 50 à 200 mm. La queue de la comète semble pointer vers Jupiter (le 11 avril également). La conjonction avec Jupiter à proprement parler a lieu le 13 avril. Pons-Brooks passe alors à 3° sous la planète géante. Celle-ci offre donc un bon jalon pour la localiser aux jumelles : en plaçant Jupiter en haut du champ, la comète apparait près du centre. Une comète pour les Tropiques

Après le 15 avril, l’observation va devenir de plus en plus délicate aux latitudes tempérées nord. La visibilité de Pons-Brooks dépendra essentiellement de son niveau d’activité. Certaines belles comètes par le passé étaient capables de percer les lueurs du crépuscule, donc là encore il faudra surveiller d’éventuelles sautes d’humeur. Sous les tropiques en revanche, il n’y a aucune réserve à poursuivre l’observation jusqu’au passage de la comète au périhélie le 21 avril. Sa magnitude est de 4,4 à cette date.

Au mois de mai, Pons-Brooks s’éloigne physiquement et angulairement du Soleil, et devient petit à petit une cible pour les observateurs de l’hémisphère Sud. Elle est visible en début de nuit avec un ciel noir depuis la Réunion. Elle repasse la barre de la magnitude 5 le 9 mai, mais il faut continuer à l’observer. Sa distance à la Terre diminue lentement jusqu’au 2 juin. Elle sera alors à 232 millions de kilomètres. Rendez-vous en 2095 pour son retour.

Jean-Luc Dauvergne, Publié le 4 mars 2024, Modifié le 4 mars 2024 © Ciel & Espace

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