Le satellite BlueWalker 3 brille autant que les plus grosses étoiles, et c’est un problème

L’un des objets célestes les plus brillants du ciel nocturne n’est ni Sirius ni Vénus… Mais BlueWalker 3, un satellite lancé en 2022 qui reflète la lumière du Soleil au point d’être aveuglant pour les astronomes. Un cas emblématique d’un problème de plus en plus préoccupant pour la communauté scientifique.
SATELLITE BLUEWALKER 3. ILLUSTRATION : © AST SPACEMOBILE

En ce mois d’octobre 2023, la planète Jupiter est particulièrement brillante dans le ciel nocturne, tout près de la Lune. Mais depuis des semaines, la planète géante est concurrencée par BlueWalker 3. Ce n’est ni une comète, ni une planète, ni une étoile, mais un simple satellite. « Depuis son lancement en septembre 2022, il est devenu l’un des objets les plus visibles dans le ciel nocturne, résume Sangeetha Nandakumar, astronome à l’université de Bonn. C’est un prototype très grand, et plusieurs autres du même genre doivent être lancés prochainement. »

Observation du satellite BlueWalker 3 depuis l’observatoire marocain d’Oukaïmeden, le 16 novembre 2022.
© CLEOsat/Oukaimeden Obs./IAU CPS/A.E. Kaeouach

La chercheuse a publié une étude dans Nature, pour laquelle elle a traqué le satellite grâce à différents télescopes au Chili, aux États-Unis, en Nouvelle-Zélande et au Maroc. Les astronomes ont donc pu constater que BlueWalker 3 était loin d’être discret. Véritable phare dans la nuit, avec une magnitude de 0,5 — soit l’équivalent de Bételgeuse, l’étoile d’Orion —, il est plusieurs centaines de fois plus brillant que ce que préconise l’Union astronomique internationale, luttant pour préserver le ciel nocturne.

Une antenne immense


Il faut dire qu’avec ses 1500 kg et son antenne presque aussi grande qu’un terrain de badminton, il réfléchit énormément la lumière du Soleil. Et il y a pire ! Le projet est d’en construire 200 identiques pour fournir des connexions haut débit aux téléphones mobiles.

L’antenne du satellite fait 65 mètres carrés et est très réfléchissante. © AST SpaceMobile

« La taille est un des paramètres à prendre en compte, assure Sangeetha Nandakumar, mais il y a aussi l’altitude. S’il était en orbite géostationnaire, à 35 000 km, BlueWalker 3 ne serait pas un problème. Mais à seulement 500 km du sol, il est beaucoup trop visible. » 

Une orbite trop basse


Cette étude confirme les craintes des astronomes qui avaient protesté contre ce lancement dès son annonce, redoutant justement que cela ne rende les télescopes au sol inutilisables. Mais l’opposition est restée vaine, car rien n’interdit un engin aussi gros d’être placé en orbite basse. Et l’entreprise AST SpaceMobile, qui le produit, compte bien poursuivre ses expérimentations, y compris si cela implique de construire des satellites encore plus gros si ce prototype n’est pas satisfaisant.

Pourtant, il y a bien des manières de rendre un satellite moins gênant, rappelle Sangeetha Nandakumar : « Il est possible de le recouvrir d’un matériau noir qui ne réfléchit pas le Soleil. Ou alors, il faut davantage d’observations pour prédire les déplacements et faire en sorte de ne pas être gêné. » Une stratégie d’adaptation qui risque de devenir complexe si les engins similaires à BlueWalker 3 se multiplient, sans compter les autres constellations de satellites comme Starlink, avec des engins plus petits, mais plus nombreux.

L’antenne de l’observatoire radio de Green Bank, aux États-Unis. © Green Bank Obs.

Enfin, la multiplication de ces engins s’accompagne d’un autre problème : les ondes radio. Si BlueWalker 3 est brillant, il est aussi un parasite pour des radiotélescopes comme celui de Green Bank ou le Square Kilometre Array qui scrutent le ciel sur les mêmes fréquences que lui. Dans l’étude, Sangeetha Nandakumar et ses collègues recommandent de mener des recherches sur l’impact des satellites, quitte à interdire le lancement de ceux qui sont trop brillants ou trop bruyants.

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