L’astéroïde Dimorphos a été déformé par l’impact de la sonde Dart

En 2022, la mission Dart entrait en collision avec l’astéroïde Dimorphos. Télescopes spatiaux et terrestres ont alors scruté les conséquences de l’impact sous toutes les coutures. Et les premières analyses viennent de tomber : Dimorphos est un agrégat de roche peu résistant. Une bonne nouvelle pour la défense planétaire.

Boum ! Le 27 septembre 2022, l’engin spatial Dart percutait de plein fouet l’astéroïde Dimorphos, situé à 11 millions de kilomètres de la Terre. Cette collision volontaire, qui a permis la première déviation d’astéroïde de l’histoire, a offert aux scientifiques la possibilité de collecter tout un tas de données sur Dimorphos. Données qu’ils se sont empressés d’utiliser dans leurs simulations numériques pour tenter d’en déduire les caractéristiques de l’astéroïde.

Résultat : Dimorphos est un astéroïde de type « agglomérat de roches », c’est-à-dire un assemblage de graviers de faible cohésion, et non un bloc monolithique. De plus, Dart n’aurait pas creusé un cratère dans l’astéroïde. Il l’aurait plutôt entièrement remodelé ! Cette conclusion, en plus d’être de bon augure pour les missions de déviation d’astéroïdes potentiellement dangereux, renforce aussi l’idée que Dimorphos s’est constitué à partir de matière issue de Didymos, l’astéroïde plus gros autour duquel il tourne.

Déviation réussie

D’abord, la déviation… Lancé à plus de 6 km/s, Dart et ses 610 kg ont si violemment percuté Dimorphos qu’une partie de la matière du petit corps céleste a été éjectée sur des milliers de kilomètres. Ce coup d’éclat a été scruté de toutes parts : par LICIACube d’abord, un nanosatellite envoyé en même temps que Dart pour observer aux premières loges le résultat de l’impact, mais aussi par les télescopes spatiaux James Webb et Hubble et par des observatoires terrestres.
« Ces observations ont fourni plusieurs éléments cruciaux pour estimer les propriétés de Dimorphos, à commencer par la forme de l’éjecta », rapporte Naomi Murdoch, chercheuse à l’Institut supérieur de l’aéronautique et de l’espace (ISAE-SUPAERO). Plus précisément, l’angle de l’éjecta par rapport à la surface de Dimorphos, qui a permis de faire des prédictions sur la masse perdue. Un autre paramètre acquis suite à l’impact est l’efficacité de la déflexion. Maintenant, Dimorphos met environ 30 minutes de moins pour boucler son orbite autour de Didymos (initialement de 11 h 55 min).

Un corps peu résistant

Cependant, de nombreuses inconnues subsistent, à commencer par la densité de Dimorphos, sa résistance interne ou sa masse. Le jeu a donc été de faire varier ces paramètres jusqu’à trouver la combinaison qui reproduit au mieux les observations post-impact. « C’est comme ça que l’on a pu estimer la densité de Dimorphos, et la meilleure correspondance avec les observations est une densité de 2,4 g/cm3, révèle Naomi Murdoch. Par comparaison, la densité de la Terre est de 5,5 g/cm3. » Dimorphos est donc un corps peu résistant et non un gros bloc solide.

Pas de cratère mais un astre redessiné

Si la cohésion de Dimorphos est faible, quelle trace a donc pu laisser l’impact Dart ? « Vraisemblablement pas un cratère, mais plutôt une déformation globale de l’astéroïde », avance la chercheuse. Comme si un cratère s’était formé sans rencontrer de résistance suffisante pour arrêter sa propagation et qu’il fasse finalement tout le tour de Dimorphos, le redessinant entièrement.
Ensuite, l’origine de Dimorphos… Les résultats obtenus par cette simulation numérique confortent l’idée que le petit astéroïde serait en fait le fruit de son compagnon Didymos. En tournant rapidement sur lui-même, Didymos aurait perdu de la matière qui se serait retrouvée en orbite autour de lui. Matière qui se serait par la suite réagglomérée pour former Dimorphos. « On n’avait jamais vu d’astéroïde binaire de près avant la mission Dart. Il existait donc plusieurs théories sur leur formation. Mais ces astéroïdes binaires sont communs, il est donc important de comprendre leur origine », commente Patrick Michel, astrophysicien spécialiste du sujet à l’observatoire de la Côte d’Azur.

Des empilages de roches rassurants

Autre fait qui interroge : la faible cohésion de Dimorphos est proche de celles de Ryugu et de Bennu, deux astéroïdes récemment visités par des sondes qui en ont rapporté des échantillons. Sauf que Dimorphos est un astéroïde de type S, c’est-à-dire silicaté, tandis que Ryugu et Bennu sont des astéroïdes de type C, donc carbonés. « Ce qui voudrait dire que tous ces corps, indépendamment de leur composition, partagent cette caractéristique commune », propose Naomi Murdoch. « Bien sûr, c’est très spéculatif, car on a des données sur seulement trois objets, mais c’est troublant, estime Patrick Michel. En tout cas, ça serait une bonne nouvelle pour la défense planétaire ! » Car si la déviation de Dimorphos a été si importante, c’est aussi grâce à sa faible résistance. « S’il avait été plus résistant, on aurait excavé moins de matière. Or, plus il y a d’éjecta, plus efficace est la déviation », rappelle le chercheur.
Dart a pris cette photo de Dimorphos deux secondes avant l'impact. La sonde se trouvait alors à 12 km de l'astéroïde. Dimorphos mesure 160 m de diamètre ; il a la même taille que la grande pyramide de Gizeh. Sa surface est couverte de rochers, dont les plus gros ont la taille d'une maison. © Nasa/Johns Hopkins APL Vérification sur place en 2026 !

Pour vérifier les conclusions permises par les nouvelles simulations (et bien d’autres encore), la mission Hera de l’Agence spatiale européenne (ESA) devrait décoller fin 2024, avec une fenêtre de tir de trois semaines qui s’ouvrira le 7 octobre. Hera arrivera deux ans plus tard aux abords de Dimorphos, « et le début des opérations est prévu pour décembre 2026 », annonce Patrick Michel. L’un des objectifs clés d’Hera sera de mesurer la masse de Dimorphos, de déterminer sa densité et de voir si l’impact de Dart a créé un cratère ou s’il a reformé l’astéroïde.

De plus, un radar embarqué sur l’un des Cubesats « sondera » l’intérieur de l’astéroïde. « Ça n’a encore jamais été fait, et ça nous permettra de vérifier si Dimorphos est bien un agrégat », développe Naomi Murdoch. Autres tests prévus par Hera : celui de la résistance de Dimorphos aux petites sollicitations. « L’impact de Dart s’est fait à très grande vitesse et a été très énergétique, mais on aimerait aussi comprendre comment réagit la surface de tels astéroïdes lorsqu’on la perturbe beaucoup plus faiblement. »

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