Comment l'Univers est devenu transparent, moins d'un milliard d'années après sa naissance

Grâce au télescope spatial James Webb, des astronomes sont parvenus à démontrer l'influence des toutes premières galaxies de l'Univers dans le processus de "réionisation" qui l'a rendu transparent.
Comment les ténèbres se sont-elles dissipées dans l’Univers ? Une étude réalisée grâce au télescope spatial James Webb (JWST), et publiée dans la revue Nature le 28 février 2024, révèle le rôle crucial joué par les galaxies primitives dans la "réionisation", cette période comprise entre 500 et 900 millions d’années après le Big Bang durant laquelle l’Univers est sorti de l’âge sombre.

Il était auparavant plongé dans une sorte de "purée de pois" composée d’atomes d’hydrogène et d’hélium directement issus du Big Bang. Ces atomes absorbent ou diffusent dans toutes les directions les photons de lumière, un peu à la manière des vitrages opaques équipant les fenêtres de salle de bain. Voilà pourquoi on n’y voyait goutte…

L'effet des rayonnements ultraviolets

Ce rideau allait se déchirer peu à peu sous l’effet de rayonnements ultraviolets. Riches en énergie, ils ont arraché des électrons aux atomes, les transformant en ions, d’où le terme de "réionisation" (le "ré" s’expliquant par le fait que l’Univers à ses tout débuts était un plasma ionisé, mais c’est une autre histoire…). Or si les atomes font obstacle au passage de la lumière, les ions n’interfèrent pas. Ainsi la lumière a jailli, et cette fois pour de bon.

Mais si ce mécanisme était couramment admis, encore fallait-il trouver sa source… Les suspects ne manquaient pas : les trous noirs supermassifs avec leurs disques d’accrétion de gaz éjectant un rayonnement très énergétique. Les galaxies dont la masse excède le milliard de masses solaires, et enfin les petites galaxies dont la masse est inférieure à un milliard de masses solaires (à comparer aux 200 milliards de la Voie lactée).

L’étude de l’Univers précoce, moins d’un milliard d’années après le Big Bang, grâce au télescope James Webb, a donc permis à l’équipe de chercheurs internationale d’impliquer au premier chef les petites galaxies, comme l’explique à Sciences et Avenir Hakim Atek, astrophysicien à l’Institut d’astrophysique de Paris et premier auteur de l’article paru dans Nature. "Nous avons trouvé que les galaxies de faible masse produisent quatre fois plus de photons ionisants que les galaxies plus massives. Comme ces petites galaxies sont par ailleurs 100 fois plus nombreuses que les massives, cela augmente beaucoup leur contribution."

Un effet "loupe gravitationnelle"

La "suractivité ultra-violette" de ces jeunes galaxies suffit même à expliquer tout le processus de "réionisation". Mais cela n’exclut pas totalement d’autres acteurs, notamment les trous noirs dont on estimait avant ces résultats qu’ils pouvaient représenter jusqu’à 5 % de la contribution totale. "Les trous noirs supermassifs, au cœur des galaxies plus proches, participent sans doute au phénomène mais à la marge, bien moins que ce que l’on imaginait, selon Hakim Atek. Et nous n’avons pas encore observé de noyaux actifs (forte émission de rayonnements due à l’action d’un trou noir, ndlr) dans les petites galaxies primitives. Nous estimons donc que l’émission ultraviolette provient uniquement des jeunes étoiles. Cela ne signifie pas que les galaxies primitives sont forcément dépourvues de trous noirs au centre, mais ils seraient peu actifs."

L’analyse de l’Univers précoce par le JWST a été facilité par l’utilisation d’un effet de loupe gravitationnelle grâce à la présence d’un amas galactique, Abell 2744, qui en déformant la trajectoire des rayons lumineux, a révélé et amplifié la lumière des astres situés derrière l’amas. Cela a permis cette exploration fine et en profondeur, mais sur un faible champ, de l’Univers lointain. L’objectif des chercheurs est désormais d’élargir cette étude à d’autres régions du ciel, afin de vérifier que ces sources sont bien représentatives des galaxies primitives.

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